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Glenn Gould, On & Off

5 Juillet 2014

Grâce à Guillaume Monsaingeon, la filmographie gouldienne est une affaire qui marche, et offre mille angles d'approche à l'art de l'atypique pianiste canadien (1932-1982). La jeunesse d'icelui n'est pourtant pas la période la mieux connue, ni la mieux mise en images, de sa vie.

En 1959, les cinéastes Wolf Koenig et Roman Kroitor ont réalisé un double portrait de l'artiste excentrique. Le premier volet, Gould off the record, nous le montre en visite au show-room de Steinway & Sons, sur la 57e Rue de Manhattan, à la recherche de l'instrument de concert idéal qu'il finit, au prix d'un sens assez peu naturel du compromis, par trouver tant bien que mal, après mille tâtonnements plus ou moins anticipés par un "commercial" et un technicien de la maison. On le voit également dans sa retraite, à l'écart de Toronto, travaillant son Bach d'arrache-mains, faisant sourdre de son vieux Chickering aux sonorités de clavecin-bastringue un contrepoint d'une redoutable lisibilité. Sur son bord de lac, apparait tel qu'en lui-même un Gould de vingt-huit ans, déjà ermite entre son chien colley et son clavier.

Entre autres passages délectables (et tellement anachroniques), celui où Gould demande à son visiteur si, selon lui, des enfants élevés au sommet d'une montagne avec pour seule éducation musicale des partitions et enregistrements d'oeuvres atonales et sérielles ne finiraient pas par découvrir d'eux-mêmes la tonalité (par instinct de survie...?)...

Gould on the record nous fait entrer sur ses pas dans les célèbres studios Columbia de la 30e Rue, où il s'apprête à graver le Concerto italien, de Bach. Bien qu'elle n'égale pas celle de ses mythiques Variations Goldberg de 1955, pour le même éditeur, les discophiles n'ignorent pas la fortune exceptionnelle de cet enregistrement. Les mains, le langage, l'esprit - où ce qu'il en donne à voir - trahissent la méticulosité pathologique d'un musicien qui, très tôt, s'est tracé un plan de carrière atypique : amasser suffisamment d'argent pour faire ses adieux à la scène, qu'il haïssait, pour se consacrer aux seuls enregistrements. Ce fut chose faite au début des années soixante. Pour l'heure, les ingénieurs du son de Columbia se demandent une nouvelle fois comment isoler sa voix de baryton contrarié qui, constamment, promeut telle ou telle voix intermédiaire au rang de hauptstimme pour le moins envahissante.

Quasiment avalés par le grand Steinway, parfois isolés du pianiste au moyen de petits paravents, les micros n'ont certainement pas peu contribué à cette sonorité à la pointe sèche, si résolument privée de pédale qu'on lui reprocha d'évoquer celle des clavecins Pleyel.

Ces deux court-métrages un rien bavards n'ont qu'un seul défaut : on y parle l'anglais d'un bout à l'autre. Mais la musique, on le sait, se joue parfaitement des barrières linguistiques...!

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