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Gesualdo, Verunelli, Dusapin et les "voix intérieures"...

14 Mai 2014

Une fois n'est pas coutume, me voici faisant de la retape pour une série de concerts à laquelle je prends part. Ce soir jeudi, à l'amphithéâtre de la Cite de la Musique, et demain soir vendredi à l'Opéra de Rouen (Théâtre des Arts), Accentus, dirigé par Pieter-Jelle De Boer, chef associé de l'ensemble, présentera un programme a capella d'une rare intensité. Aux motets responsoriaux de Carlo Gesualdo donnés avec un effectif réduit, dont les torsions harmoniques et la sensualité dolosive me rappellent toujours le corps du Christ dans les Flagellations du Caravage, succéderont deux oeuvres contemporaines particulièrement attachantes.

Dark Days, de la jeune compositrice italienne Francesca Verunelli, tout d'abord. Musique susurrante, labile et ductile, toute d'évocations bruitistes à même la peau du poème éponyme de William Carlos Williams, dans laquelle les voix, disantes plus que chantantes, brossent une fantasmagorie sonore subtile et raffinée, rendues comme aériennes par les longues tenues d'harmonicas. Les dix courts moments de la pièce s'écoutent et se vivent comme autant d'images sonores.

Pascal Dusapin, pour finir, dont le cycle Granum Sinapis est depuis une quinzaine d'années un classique d'Accentus et de la musique d'ensemble a capella. Les insondables poèmes philosophiques de Maître Eckhart ont inspiré une musique crépusculaire, âpre et tendue. Les sonorités rugueuses de l'Altdeutsch thuringien, proches de l'alsacien, se lovent dans de longues tenues qui révèlent progressivement leur archaïsme immémorial et inscrivent l'oeuvre au plus profond des racines spirituelles, esthétiques et musicales européennes. Le cycle avait été inspiré par la concomitance de la découverte, par le compositeur, des écrits d'Eckhart et des sonorités claires et rayonnantes de l'orchestre et du choeur du Collegium Vocale de Gand alors même (1992) que cet ensemble baroque sur instruments anciens - dont j'étais à l'époque - créait au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles Medeamaterial, le plus connu des opéras de Dusapin. Evoquant avec moi ces souvenirs communs en début de semaine, le compositeur m'a appris que l'ouvrage avait fait l'objet de plus de vingt-cinq productions scéniques et d'un second enregistrement depuis la création bruxelloise de 1992. Un classique donc. Quel compositeur vivant de musique dite sérieuse peut aujourd'hui se prévaloir d'un tel titre...?

Le concert est uni par le geste lent et minimal du désormais bien connu Spaceship Earth, oeuvre du vidéaste Julien Crépieux, qui s'inscrit à point dans nommé la thématique intitulée "Déserts" par la Cité de la Musique pour la programmation de ce mois de mai. C'est peu dire que la répétition générale d'hier m'a parue des plus prometteuses...

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